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Voisinage et troubles de jouissance aux Pays-Bas : le dispositif de la "dernière chance", une alternative à l'expulsion

ANIL, Habitat actualité, mai 1999


Depuis la fin des années 80, les enjeux de la politique du logement ont, en France, radicalement changé. La demande quantitative de logements sociaux se fait moins pressante, elle est plus localisée et les attentes se déplacent vers des éléments plus qualitatifs, notamment des exigences de localisation et de voisinage.

Les Pays-Bas nous ont précédés dans cette évolution, puisqu'ils disposent d'un parc social de très bonne qualité, très développé (36 % des logements) et ouvert à une très large fraction de la population (cf. Patricia TEULET, "La réforme du logement aux Pays Bas" in "L'Observateur de l'Immobilier" n° 31, mai 1995). Les difficultés occasionnées par les locataires au voisinage difficile, qui existent comme partout, prennent ici une importance considérable. La façon qu'ils ont de traiter ces problèmes mérite d'être étudiée, même si elle reflète la forte tradition de contrôle social ou de " surveillance sociale " qui caractérise la société des Pays-Bas.

Les troubles de voisinage sont de nature diverse ; les comportements délictueux relèvent du droit pénal, mais le trouble peut naître de ce que les juristes qualifient de manquements graves à l'obligation de jouissance paisible des lieux : dans la pratique, il s'agit du bruit, du mauvais entretien des logements et des dégradations...

En France, ces phénomènes prennent chaque jour plus d'importance et occupent une place essentielle dans la représentation négative de certains ensembles de logements, voire de certains quartiers. Le seul indicateur statistique disponible concernant le contentieux locatif émane du ministère de la Justice : les demandes des bailleurs devant les Tribunaux d'Instance, pour une cause autre que le paiement des loyers, ont porté sur 2.943 affaires sur les 157.123 demandes enregistrées en 1995. Ce chiffre est relativement stable depuis plusieurs années ; rapporté aux 8 millions de contrats de location en cours, il ne représente que 0,036 % des locations. Cependant, il est probable qu'un certain nombre d'expulsions pour impayés recouvrent, en fait, des contentieux liés à des manquements à l'obligation de jouissance paisible des lieux.

Longtemps tabous, les problèmes de comportement font leur apparition au détour d'un article de la loi d'orientation contre les exclusions (Assemblée Nationale : 2ème séance, lundi 18 mai 1998 - loi du 29.7.98). La solution adoptée, pour le parc HLM uniquement, a été d'offrir aux locataires fauteurs de troubles, un déplacement dans le parc de logement ou une expulsion accélérée. En cas de non-respect par le locataire de son obligation de jouissance paisible des lieux et après mise en demeure restée infructueuse, l'organisme HLM peut adresser au locataire une offre de relogement correspondant à ses besoins et à ses possibilités. En cas de refus du locataire ou en l'absence de réponse de sa part à l'expiration d'un délai d'un mois à compter de l'envoi de l'offre par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, le bailleur peut saisir le juge aux fins de résiliation du bail. Un certain nombre de délais étant supprimés, la procédure d'expulsion est dans ce cas accélérée. Cette difficulté à se loger des personnes, dont le comportement apparaît comme asocial, s'est accrue avec la montée de la précarité et se ressent dans l'ensemble du parc privé et public : depuis plusieurs années, les craintes des bailleurs résultent tout autant, voire plus, des troubles de jouissance que pourrait occasionner tel ou tel locataire que des risques d'impayés (cf. ANIL "Bailleurs et risques locatifs" in "Habitat Actualité", février 1997). Pour de nombreuses personnes, les difficultés d'accès au logement tiennent plus à des questions de comportement qu'à la faiblesse de leurs ressources. C'est notamment le cas des familles mono-parentales ou très nombreuses, des jeunes, des personnes sortant de prison, de centres d'hébergement et de réinsertion sociale / CHRS, d'hôpitaux psychiatriques, qui ont de plus en plus de mal à trouver un logement.

Aux Pays-Bas, avec 6 % de taux de chômage et un haut niveau de prestations sociales, les phénomènes de précarité n'ont pas la même ampleur qu'en France. En revanche, les troubles apportés au voisinage par des locataires sont également ressentis comme un problème important dans le parc social (Pays Bas : Sophie Rousseau, "Les pionniers du service social" in "HLM Aujourd'hui", n° 20, 1991), même si la cause des troubles et leur nature semblent différentes ; il s'agit surtout des conséquences de la toxicomanie, de l'alcool et des problèmes psychiatriques. La nature des relations sociales aux Pays-Bas et leur tradition en matière de logement social explique peut être aussi en partie leur façon de réguler les troubles de voisinage . Au demeurant, le fait que les plaintes des voisins soient prises en considération et débouchent sur une procédure formalisée, joue probablement un rôle très positif dans l'apaisement des relations de voisinage.

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